« If you have ghost, you have everything »
Bienvenue en Scandinavie, terre du black metal et des églises brûlées ! C’est plus précisément de Suède que sont originaires les membres du clergé démoniaque qui forment le groupe Ghost. Actifs depuis 2008, les cinq Nameless Ghouls menés par leur chanteur Papa Emeritus affichent ouvertement une esthétique sataniste, tout en apportant par ailleurs une véritable bouffée d’air frais à la scène métal. Pour leur première venue à Lyon, les mystérieux musiciens ont choisi d’investir le Radiant afin d’y donner une messe d’un genre très particulier, qui n’aura pas laissé le public de marbre.
Le plateau est baigné de bleu. Une effluve d’encens nag champa vient progressivement nous chatouiller les narines. Des chants grégoriens retentissent au loin. Une atmosphère purement mystique saisit peu à peu chacun d’entre nous, puis lorsque la tension atteint son paroxysme, la scène passe du bleu au rouge, et les Nameless Ghouls y font un à un leur entrée, perchés à différentes hauteurs sur des praticables. D’élégants costumes noirs et de magnifiques masques couleur argent à cornes et barbiche leur donnent des airs de Méphistophélès et leur permettent de garder l’anonymat. Un superbe vitrail diabolique façon art nouveau est soudain dévoilé en fond de scène lorsque les musiciens se lancent à l’assaut du premier morceau : « Spirit ». Puis apparaît enfin, sous les clameurs de la foule, Papa Emeritus Troisième du nom. Il est également vêtu de noir de la tête aux pieds (il porte même des gants !), un maquillage macabre de squelette farde son visage, et son crâne est surmonté d’un chapeau de pape orné du symbol du groupe : une croix renversée dont la base représente le G de Ghost. Let the show begin !
Contrairement à ce que laisse présager leur image, les musiciens nous offrent un set très propre et nourri de diverses influences, mais sans jamais sonner fourre-tout. Le groupe a su façonner un style singulier à base de métal (heavy et doom), de rock psyché 70’s et même de pop. De gros riffs lourds et une basse ronflante côtoient des solos de guitare incisifs et efficaces, tandis qu’un clavier alterne entre orgue, piano et effets synthétiques, et qu’un batteur à l’épreuve des cassures rythmiques frappe ses futs avec puissance et maîtrise. Papa Emeritus III, en meneur convaincant, semble diriger son groupe avec une gestuelle digne d’un chef d’orchestre. Sa voix étonnamment claire et douce s’élève, laissant rarement place à un chant guttural, et entonne des hymnes à la gloire de Lucifer en anglais et parfois même en latin. Les différentes compos sont principalement issues du dernier et excellent album Meliora (2015), mais également du précédent Infestissumam (2013). « From The Pinacle To The Pit », « Cirice », une magnifique version acoustique de « Jigolo Har Megiddo » jouée à la lueur des chandeliers, ou encore « He Is », « Per Aspera Ad Inferi », « Ghuleh / Zombie Queen », « Year Zero »… et bien d’autres s’enchaînent. Seuls quelques black out interrompent le show, comme pour mieux le laisser repartir de plus belle. Ils permettent également au chanteur de tomber le chapeau et de troquer sa soutane et ses gants noirs contre une chemise et des gants blancs.
Le public semble assister à une véritable messe noire. Plutôt statiques physiquement, mais très réactifs, les spectateurs sont à fond, scandant chaque refrain, battant des mains en rythme, hurlant « Papa !!! » à tout va, et faisant le salut cornu à la moindre occasion. De mon côté, je ne peux pas m’empêcher de remuer les miches et la tignasse, puis me prête petit à petit au jeu en reprenant les refrains en choeur avec le reste de la salle. Le contraste se révèle très marqué entre l’esthétique dark du groupe et sa convivialité évidente. Les diverses interventions de Papa Emeritus III sont très sympathiques : un peu à la manière du présentateur des Contes de la crypte, il introduit les morceaux avec humour, incite tout le monde à chanter, à taper des mains. Le concert se termine en apothéose avec la magnifique reprise de « If You Have Ghost » de Roky Erickson et une superbe interprétation de « Monstrance Clock » durant laquelle le public va chanter ad libitum « Come Together, together as one / Come together, for Lucifer’s son » jusqu’à ce que le groupe quitte la scène en envoyant des baisers et en formant des coeurs avec leurs mains !
Expérience à vivre au moins une fois dans sa vie, et si possible à renouveler, un concert de Ghost est comme un rituel sataniste qui s’avère être en réalité un véritable moment de communion et de convivialité musicale. Ces fantômes ont décidément le sens du spectacle et nous laissent repartir avec le sourire et d’excellents souvenirs.