Peu avant la guerre de Sécession, dans le sud des Etats-Unis, le chasseur de primes King Schültz fait l’acquisition d’un esclave noir du nom de Django et passe avec lui un accord : il lui promet de l’affranchir si celui-ci l’aide à débusquer et abattre les frères Brittle dont il est à la recherche. Une fois la mission accomplie, Schültz tient sa promesse, mais se prend également d’amitié pour Django et se sent responsable de sa sécurité au sein d’une société raciste et non préparée à accueillir un homme noir comme un semblable. C’est ainsi qu’il décide de s’associer à lui, le formant au métier et partageant avec lui ses primes. Au cours de leurs aventures, Django confie à son protecteur qu’il est marié à une certaine Broomhilda mais qu’ils ont été séparés par leurs anciens propriétaires à la suite d’une tentative d’évasion. Son vœu le plus cher serait de la retrouver et de la libérer de l’emprise de son maître actuel. Lorsqu’après des recherches, Schültz apprend que Broomhilda est détenue par le propriétaire de l’une des plus importantes plantations du Mississipi, le puissant Calvin Candie, il élabore avec Django un plan ingénieux pour la délivrer.
Influences majeures :
Ultra-violence, répliques cinglantes, humour décapant : telle est l’éternelle mais efficace recette que Quentin Tarantino applique scrupuleusement à chacun de ses films. Django Unchained n’y échappe pas, et pour cause, ce sont précisément les éléments que l’on retrouve dans les fameux westerns spaghetti auxquels le réalisateur rend enfin hommage (car on le sait, Tarantino est un fan du genre et nourrit ce projet depuis longtemps). Ce film, qui à l’origine devait s’intituler The angel, the bad and the wise, est une référence évidente au cinéma de Sergio Leone, mais s’inspire plus particulièrement du Django de Sergio Corbucci (1966), réputé comme le western le plus violent jamais réalisé. Mais s’il s’est directement inspiré du titre et de l’esthétique de ce dernier, Tarantino a cependant choisi de modifier sensiblement l’histoire et de placer celle-ci dans un contexte différent et jusque-là plutôt inédit dans ce genre cinématographique, à l’exception des quelques black westerns de Sidney Poitier et Jack Arnold auxquels le réalisateur fait également allusion. Autre référence importante, et pour le moins étonnante dans un western : le cycle d’opéras Der Ring des Nibelungen de Richard Wagner, lui-même basé sur la mythologie germanique et nordique. A l’instar du héros Siegfried, Django part en quête de sa bien-aimée Broomhilda (Brünnhilde d’après la légende originelle) sur un parcours semé d’embuches et d’ennemis redoutables.
Naturalisme :
Toujours perfectionniste et soucieux du moindre détail, Tarantino apporte un soin particulier aux choix des costumes et des décors. Les vêtements somptueux (mais ridicules dans certains cas !) nous plongent directement en plein cœur de l’époque d’avant guerre de Sécession. Si certains décors utilisés ont à l’origine été créés pour la série télévisée Deadwood, le réalisateur a tenu à tourner la plupart des scènes dans de véritables plantations, amplifiant ainsi manifestement l’ambiance pesante de l’un des pans les plus honteux de notre histoire. Tarantino a volontairement adopté un réalisme cru pour traiter son sujet. Nous sommes en effet à des lieux des vieilleries nostalgiques et édulcorées à la Autant en emporte le vent, ici l’esclavage est traité dans toute sa violence et sa brutalité.
Violence physique et verbale :
Au-delà d’un naturalisme certain, nous retrouvons bien évidemment la patte tarantinesque habituelle. Les coups de fouets et autres monstruosités infligées aux esclaves sont, certes, à la limite du soutenable, mais en décalage, l’ultra-violence déjantée prête à rire. Des coups de feu à tout va, des litres d’hémoglobine, un nombre incalculable de morts : de ce point de vue, le film se situe entre Reservoir Dogs et La Horde sauvage ! Les dialogues sont évidemment écrits pour coller au mieux aux personnages et à leurs interprètes, et certaines répliques sont déjà en passe de devenir cultes. On y retrouve à la fois les réparties brut de décoffrage et incisives des westerns mais également la touche perso de Tarantino (notamment la quantité inégalée de « nigger » prononcée dans le film qui fait actuellement polémique). Petit aperçu, juste pour le plaisir :
« State your business or prepare to get winged ! »
« Kill white folks and they pay you for it ? What’s not to like ?! »
« Now you can get the Marshall… »
« Yes I’m sure it is Ellis Brittle… I’m positive he dead. »
« I like the way you die, boy. »
«Flash that bad look at me again, I’ll give ya reason not to like me ! »
« I count six shots, nigger… – I count two guns, nigger ! »
Musique :
Les choix musicaux de Tarantino, toujours irréprochables, ont le don de rester en tête et d’évoquer à chaque nouvelle écoute des scènes bien précises de ses films (l’exemple le plus flagrant est sans doute la chanson Stuck In The Middle With You de Stealers Wheel que l’on ne peut désormais plus dissocier de la fameuse scène de torture dans Reservoir Dogs). Pour Django Unchained, le réalisateur a choisi d’associer des morceaux déjà existants à des compositions inédites. Nous retrouvons ainsi des thèmes de westerns signés Enio Morricone (évidemment !), des compositions hispanisantes de l’argentin Luis Bacalov (qui avait déjà prêté l’un de ses arrangements pour Kill Bill), des ballades de cowboys country (notamment le très beau titre I Got A Name de l’artiste disparu prématurément Jim Croce), ainsi qu’un répertoire de musique black s’étendant de la soul au hip-hop (notamment le brillant mashup James Brown/Tupac) en passant par le mythique Freedom du grand Richie Havens. Pour l’anecdote, Tarantino a refusé d’utiliser les versions digitales des morceaux, leur préférant le son de ses propres vinyles.
Casting :
Autre qualité du réalisateur : des personnages taillés sur mesure pour des comédiens de choix. Une fois de plus, le casting est des plus prestigieux, et malgré des remises en questions et des annulations de dernière minute, Tarantino est parvenu à dénicher les perles rares pour donner vie à ses personnages. L’un de ses acteur fétiches, Samuel L. Jackson, incarne ici brillamment Stephen, vieil esclave boiteux et plus que soumis du propriétaire Calvin Candie. Christoph Waltz, lui, tourne pour la deuxième fois avec le réalisateur et interprète à merveille, façon dandy de la gâchette, King Shültz, ancien médecin reconverti en chasseur de primes. L’acteur-chanteur Jamie Foxx est Django, esclave affranchi à la fois romantique et flingueur, et dont l’évolution au fil du film est juste délectable. La belle Kerry Washington incarne sa femme, Broomhilda, esclave farouche et courageuse détenant un record en tentatives d’évasion. Enfin, mention spéciale pour Leonardo DiCaprio qui a visiblement pris son pied dans le rôle du méchant, le cynique propriétaire de la plantation Calvin Candie. Chacun semble en effet prendre sincèrement son rôle à cœur et livre une prestation convaincante sous la direction de Quentin Tarantino.
En conclusion :
En s’attaquant à un western, Tarantino n’avait pas intérêt de se planter ! Mission accomplie : il parvient, tout en rendant un hommage réussi à un genre et à ses réalisateurs, à imposer sa propre vision et son empreinte désormais reconnaissable entre toute. Il faut dire que le sujet est maîtrisé, car Tarantino est un aficionado reconnu de ce style cinématographique, et finalement, chacun de ses films sont réalisés comme autant de westerns modernes. Django Unchained est, lui, un western spaghetti pur jus, entre tradition et délires tarantinesques : un film à la fois violent, engagé, chevaleresque et à l’humour toujours acide. Les adeptes apprécieront !