Le ballet est par définition un genre dramatique où l’action est figurée par des danses et des pantomimes. Le mot vient de l’italien ballo (danser), dont le diminutif baletto a donné le mot ballet. Il se développe d’abord à la cour d’Italie au XVIe siècle, durant la Renaissance, puis connaît également le succès en France et en Russie en tant que danse-spectacle. Il a pour caractéristique la réunion de quatre arts : la poésie, la musique, la danse et la peinture. Il s’agit en effet d’un spectacle chorégraphique intégrant la musique, le chant, le texte, les décors et la machinerie. Comme l’opéra, il peut être organisé de deux manières :
– dans sa structure la plus ancienne, il consiste en une succession de numéros (ou « entrées ») durant lesquelles des danses s’enchaînent en épisodes distincts
– il peut également se présenter dans une structure « en continu ».
Au XVIIIe siècle, le ballet devient pantomime afin de privilégier la danse, on a alors recours au langage théâtral. Puis au début du XXe siècle, l’action est uniquement traduite par le corps, des livrets sont d’ailleurs distribués aux spectateurs afin qu’ils comprennent l’histoire. C’est à cette période qu’est justement consacrée cette étude des principaux apports et innovations de la compagnie des Ballets russes de Serge Diaghilev installée à Paris, alors capitale culturelle et artistique. Nous nous pencherons ensuite plus précisément sur certaines représentations ayant particulièrement marqué la société de l’époque.
PRESENTATION DES BALLETS RUSSES
Historique
Les Ballets russes sont une compagnie privée fondée en 1907 par Serge Diaghilev. Celui-ci commence par organiser des concerts privés à Paris entre 1907 et 1908, qui lui permettent de se faire un nom en France. Il revient ensuite à Paris en 1909 avec les Ballets russes et donne un premier spectacle le 19 mai de la même année au Théâtre du Châtelet. Le public est alors ébloui par la somptuosité des costumes, des décors et par le talent d’interprètes tels que Vaslav Nijinski ou Anna Pavlova. Après ce triomphe retentissant, la troupe est rapidement accueillie au Théâtre Mogador et à l’Opéra de Paris.
Pour commencer, la compagnie reprend des œuvres déjà existantes, puis se lance dans la présentation de véritables créations. Les œuvres russes sont pour l’occasion rebaptisées afin de convenir au public français (Chopiniana, par exemple, devient ainsi Les Sylphides).
Lors de la révolution russe de 1917, durant laquelle le régime tsariste est renversé pour être remplacé par le régime léniniste, les artistes de la troupe se retrouvent coupés de leur pays d’origine car ces derniers sont considérés comme des Russes blancs, soit des opposants à la révolution et au nouveau régime mis en place. Les Ballets russes commencent alors à recruter des artistes d’autres nationalités dans la troupe, notamment des anglais.
Ensuite, durant l’entre-deux guerres, les Ballets russes accueillent au sein de la compagnie des danseurs, peintres et écrivains dissidents quittant la Russie.
Apports esthétiques majeurs
Des soirées ballets sont d’abord organisées. Elles sont composées de trois ou quatre œuvres de courte ou moyenne durée, comprenant différentes esthétiques afin de convenir à tous. On importe à Paris, puis dans le monde, un répertoire inconnu ou oublié, comprenant des œuvres telles que Giselle ou Le Lac des cygnes.
Puis la compagnie se consacre plus tard à des créations :
– Le Spectre de la rose en 1911, ballet en un acte composé par Carl Maria Von Weber d’après un poème de Théophile Gautier, chorégraphié par Michel Fokine, avec des décors et des costumes de Léon Bakst et avec Nijinski comme danseur vedette
– L’après-midi d’un faune en 1912, première chorégraphie de Nijinski d’après un poème de Stéphane Mallarmé, sur une musique de Debussy non créée à l’origine pour la danse, et des décors et costumes de Léon Bakst
– Parade en 1917, chorégraphié par Léonide Massine d’après un poème de Jean Cocteau, sur une musique d’Erik Satie, et dont les décors, le rideau de scène et les costumes sont créés par Pablo Picasso.
Une réelle union se crée alors entre la danse, la musique et la peinture. Les Ballets russes ont recours à des peintres novateurs et contemporains pour la conception des décors et des costumes : Léon Bakst, Alexandre Benois, Pablo Picasso, Henri Matisse, Georges Braque… Le renouveau visuel au niveau des costumes se révèle très choquant pour l’époque, car le corps masculin est pour la première fois moulé et surexposé. On assiste par ailleurs à un retour des ballets masculins à une époque où les danseuses ont obtenu le statut de vedettes, et on voit ainsi apparaître des ballets éponymes masculins tels que Petrouchka ou Apollon musagète
Le rapport entre la musique et la danse se fait nouveau et multiple : la musique équivaut au départ à de véritables trames rythmiques soutenant la danse, puis plus de libertés sont données ensuite aux musiciens pour créer un univers et inspirer le chorégraphe. De grands compositeurs portent un intérêt certain pour ce genre : ils composent pour le ballet tout en gardant une structure pouvant être écoutée en concert. D’autre part, il devient désormais possible de danser sur une musique préexistante et pas nécessairement composée pour le ballet, et ceci est favorisé notamment par l’apparition du patchwork musical effectué grâce au montage sonore.
ETUDE COMPARATIVE : Les Sylphides et Le Sacre du printemps
Les Sylphides, rêverie romantique
Les Sylphides, précédemment intitulé Chopiniana, est un ballet en un acte créé par Michel Fokine sur une musique de Chopin réorchestrée pour la circonstance, avec des décors et des costumes d’Alexandre Benois et interprété par Tamara Karsavina, Anna Pavlova et Vaslav Nijinski. Sa première représentation a lieu le 12 juin 1909 au Théâtre du Châtelet.
Ce ballet sous-titré rêverie romantique ne repose pas sur un argument réel : il consiste en fait en une succession de danses, dont le célèbre pas de deux de Pavlova et Nijinski, évoquant les rêveries d’un jeune poète entouré de sylphides. Le décor, constitué de tombes et d’églises en ruines accentue le caractère fantastique et romantique de l’œuvre. Les costumes, quant à eux, mettent en valeur une chorégraphie très aérienne : il s’agit de longs tutus blancs pour les danseuses et d’une tenue noire portée sur un collant blanc pour le danseur.
Les Sylphides appartient au répertoire classique et se révèle tout à fait représentatif de l’esthétique traditionnelle ayant contribué au succès des premières saisons des Ballets russes à Paris : ce spectacle convient parfaitement à la tradition du ballet romantique, que certains qualifient de désuet et de pittoresque. Mais dès 1912, des divergences de points de vue opposent Diaghilev, qui renonce à cette esthétique traditionnelle, et Fokine, qui y reste très attaché : ce dernier est alors supplanté par Nijinski, dont les idées sont beaucoup plus novatrices, et n’est désormais plus l’unique chorégraphe de la compagnie.
Le Sacre du printemps, tableaux de la Russie païenne
Passionné par la nouvelle peinture française, Vaslav Nijinski cherche à affirmer de nouveaux canons d’expression plastique et à imposer des moyens inédits au sein de ses créations, allant totalement à l’encontre des idées reçues sur le rôle traditionnel du ballet classique. Danseur reconnu de tous, Nijinski scandalise en tant que chorégraphe : ses spectacles violent les règles de la danse académique et imposent des conceptions esthétiques en parfait désaccord avec celles de Fokine.
Certaines de ses chorégraphies, cependant, remportent un franc succès auprès du public (L’oiseau de feu en 1910 et Petrouchka en 1911), mais ce n’est pas le cas du Sacre du printemps. Celui-ci met en scène une série de cérémonies de l’ancienne Russie. Un premier tableau intitulé L’adoration de la Terre représente des hommes et leur Aïeul se livrant à des danses et des rites. Il est suivi d’un second tableau, Le Sacrifice, durant lequel une jeune femme est livrée aux dieux.
Le Sacre du printemps est très mal accueilli lors de sa première représentation le 29 mai 1913. La chorégraphie de Nijinski et la musique d’Igor Stravinski, essentiellement centrées sur le rythme et mettant en scène des rites païens, provoquent un véritable scandale au Théâtre des Champs-Elysées : le public hue, Nijinski est prêt à bondir sur scène depuis les coulisses pour contester, et Diaghilev demande aux électriciens d’allumer et d’éteindre la salle pour faire cesser le tapage. La presse dénonce violemment l’exagération dans la contorsion, la dislocation des attitudes et le non-respect des règles traditionnelles :
« Les interprètes ont réalisé un invraisemblable tour de force en mettant en scène, durant deux actes, les gestes primitifs, inconscients, puérils, frénétiques de peuplades primitives, s’éveillant aux mystères de la vie. » (Comoedia, 31 mai 1913)
« [L’interprète] les pieds constamment retournés en dedans, par une volontaire violation des règles de la danse, avait l’air de demander grâce. » (Comoedia, 16 décembre 1920)
Ce n’est qu’en avril 1914 que le ballet triomphe enfin. La partition de Stravinski et la chorégraphie de Nijinski sont désormais considérées parmi les plus importantes et les plus influentes du XXe siècle.
L’HERITAGE DES BALLETS RUSSES
En 1909, la compagnie des Ballets russes de Diaghilev se définit comme une troupe privée et indépendante : elle ne s’attache à aucun théâtre en particulier et commence dès cette année-là une tournée internationale. A partir de 1911, la compagnie se fixe plus particulièrement à Paris, Monte-Carlo et Londres, mais donne également des représentations à Rome, Vienne, Genève, Barcelone et Madrid. Elle commence une tournée en Amérique du Sud en 1913 et aux Etats-Unis en 1915, puis se produit en Belgique, en Suisse et aux Pays-Bas après la Première Guerre mondiale. La dernière représentation a lieu le 4 août 1929 à Vichy, Diaghilev meurt le 19 août suivant.
Après 1929, Serge Lifar et Boris Kochno tentent de faire survivre la compagnie, mais sans grand succès. Plusieurs compagnies se fondent alors dans les années 1930 selon le modèle des Ballets russes, mais n’acquièrent jamais la même notoriété.
Il faut attendre que l’URSS s’ouvre de nouveau au monde à la mort de Staline en 1953 et à la levée du rideau de fer en 1956 pour que le Ballet du Bolchoï entame une tournée retentissante en Grande Bretagne. Cet échange avec les autres pays permet la découverte de nouvelles écoles et la remise en question des dogmes imposés par le ballet traditionnel. Chacun cherche des moyens d’accentuer l’expressivité de la danse, mais on assiste par ailleurs à une diversification des courants esthétiques, dans les années 1960 notamment : chaque chorégraphe développe un style bien à lui sur des thèmes lui tenant à cœur.
Dans les années 1970, la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev permet la multiplication des troupes indépendantes et les représentations de ballets dans des petites villes éloignées des grands centres culturels.
A partir des années 1980 et dans les années 1990, de plus en plus d’artistes russes intègrent des compagnies étrangères ou dirigent des troupes à l’étranger. On observe alors une grande variété au sein du ballet russe, qui s’inspire de la danse libre et de la modern dance. Ces années marquent le grand retour de l’influence du ballet russe sur la scène internationale.
A l’heure actuelle, des représentations et des concerts des Ballets russes ont toujours lieu partout dans le monde et continuent d’influencer bon nombre de chorégraphes, danseurs et chefs d’orchestre.
Alors, on post toute seule comme une grande ? LOL
Qu’est-ce que tu crois, j’apprends vite !