Début 2011, je me trouve comme souvent au Clacson pour assister à un concert, et là, un flyer négligemment posé sur le comptoir du bar attire immédiatement mon attention : Alice Cooper vient jouer à la Halle en novembre ! Ma réaction est à la fois euphorique et sceptique : voir ce chanteur sur scène est un rêve de gosse (la génération Wayne’s World me comprendra !), mais n’étant pas née suffisamment tôt pour voir les concerts de mes artistes préférés durant leurs glorieuses années, je dois souvent me contenter de vieux groupes sur le retour ou de reformations pas toujours très convaincantes… Et en ce qui concerne Alice Cooper, je suis plutôt partagée : certes, il s’agit d’un showman reconnu et plus que rôdé par des années d’expérience de la scène, mais ce type de spectacle, à notre époque, n’aurait-il pas pris quelques rides ? Je reste donc un long moment dans le doute, persuadée, quoi qu’il arrive, que mon portefeuille ne supporterait pas ce genre d’écart (sachant, en plus, que la plupart de mes amis ne sont pas vraiment intéressés pour m’accompagner), lorsque mon frère m’annonce à peine un mois avant la date qu’il nous a dégotté deux places, petit cadeau de Noël en avance !
Le groupe britannique The Treatment assure la première partie, mais leur prestation touche à sa fin lorsque nous arrivons à la Halle. Dommage, ça sonne bien et ça dépote pas mal, j’aurais aimé en voir un peu plus pour me mettre dans l’ambiance… mais tant pis, le groupe s’éclipse et à cet instant, tombe devant la scène un rideau à l’effigie d’Alice Cooper, version XXL des drapeaux de groupes kitchs que l’on trouve sur les marchés : impossible de voir ce qui se prépare sur le plateau, suspense garanti ! Et alors que la tension monte, la voix de Vincent Price s’élève et fait taire la foule en déclamant son fameux discours sur la veuve noire : je ne pouvais rêver meilleure introduction à ce concert que ce speech de l’un de mes acteurs fétiches de série Z, et je trépigne de plus en plus, impatiente de voir ce qui nous attend ! Lâcher de rideau… et à cet instant, je redeviens une gosse pour le restant de la soirée…
Grand-guignolesque à souhait, Alice Copper apparaît alors perché au sommet d’une tour vêtu d’un costume d’araignée et entouré de pas moins de trois guitaristes (dont une femme, la première à intégrer le groupe en 45 ans de carrière), d’un bassiste et d’un batteur qui attaquent d’emblée avec The Black Widow, le tout accompagné d’effets pyrotechniques. Ca commence très fort… mais ça ne fait que commencer ! Alice Cooper enchaîne les uns à la suite des autres ses meilleurs morceaux, la plupart issus de ses albums des 70’s (mes préférés), et donne au public tout ce qu’il espérait, tant dans la mise en scène que dans les costumes. Du cuir clouté à la chemise blanche sanguinolente, en passant par le maillot de l’OL à son nom et le drapeau français qu’il agite en entonnant Elected. Armé d’une cravache qu’il fait claquer à tout va, ou dansant de manière reptilienne, un boa constrictor vivant lové sur ses épaules. Il titube sur une béquille en chantant I’m Eighteen. Il valse comme un pantin avec une poupée de chiffon de taille humaine sur Only Women Bleed puis la malmène sur la chanson suivante (Cold Ethyl). Il lutte contre une marionnette géante de monstre sur Feed My Frankenstein (morceau sur lequel je n’ai pas pu m’empêcher de beugler la réplique culte de Wayne’s World !) Il transperce un paparazzi de son pied de micro. Il crève au sabre des ballons géants remplis de confettis. Et sans oublier la guillotine immense qui vient décapiter le maître du shock rock sous les yeux à la fois terrifiés et amusés des spectateurs. Il en fait des tonnes mais on en redemande ! Les tubes se succèdent, les classiques tels que Under My Wheels, Billion Dollar Babies, No More Mr Nice Guy, Is It My Body, Muscle Of Love, I Love The Dead ou encore un School’s Out agrémenté d’une improvisation sur Another Brick In The Wall de Pink Floyd, côtoient les hits emblématiques de son grand retour au début des années 90 tels que Hey Stoopid et un Poison* repris en chœur par un public remonté à bloc et convaincu. Le show est parfaitement au point (musicalement comme théâtralement), le choix des morceaux est irréprochable, le groupe est composé de musiciens brillants et charismatiques, même le son de la Halle est étonnamment bon ce soir-là, ce qui est très rare dans ce lieu. Mais ce qui m’impressionne par-dessus tout, c’est la voix d’Alice Cooper : intacte, elle n’a pas bougé depuis les premiers albums, et lui est toujours aussi fougueux qu’à ses débuts.
Plongée au cœur d’un film d’horreur en live, les yeux écarquillés devant les frasques et les frusques du précurseur de l’horror rock, un sourire béat collé aux lèvres d’un bout à l’autre du spectacle : ce concert, tel un bon vieux train fantôme en plus efficace, m’a fait vivre un véritable retour en enfance. Alice Cooper est grand. « On mérite pas, on est tout petit, on est à chier !!! »
* Suite à ce concert, j’ai quand même eu la chanson Poison dans la tête pendant plus de deux mois : un vrai calvaire ! Malgré ça, je ne regrette pas d’avoir assisté à ce show fantastique !