No Love Boat Festival – Le Sonic (Lyon) – du 25 au 28 mai 2015

11227521_928955087148104_1697918939661981152_nPremière mouture de ce mini festival au Sonic, et déjà de quoi en mettre plein les mirettes et les esgourdes ! Retour sur les deux soirées auxquelles j’ai assisté.

Day #1 : Thurston Moore Band

Ça commence très fort avec la venue surprise d’un grand, très grand monsieur, au sens propre comme au figuré : Thurston Moore va décidément devenir un habitué à bord de notre péniche fétiche ! Car vous ne rêvez pas, c’est bien lui qui ouvre le bal, marquant ainsi son grand retour après un remarquable duel guitaristique face à Andy Moor deux ans auparavant (Cf http://musid.fr/2014/02/thurston-moore-andy-moor-anne-james-chaton-sonic-lyon-28-05-2013/). Autant dire que ça s’est bousculé au portillon de la billetterie, les places n’auront pas fait long feu et il fallait être à l’affût pour saisir une chance de voir (ou revoir) l’ancien leader de Sonic Youth.

Leader, il l’est toujours sans conteste au sein de sa nouvelle formation, et pour s’entourer comme il se doit, le légendaire guitariste a fait appel à des musiciens de taille. Ils l’ont accompagné sur son dernier et excellent opus The Best Day (2014), et ce sont les mêmes que nous retrouvons ce soir sur notre bien aimée scène aux rideaux rouges : Steve Shelley, son compère de toujours, à la batterie, Deb Googe (My Bloody Valentine) à la basse et James Sedwards à la seconde guitare.

11059394_10153756363119698_1269640803766914934_nMais avant d’entrer dans le vif du sujet, commençons par le commencement : la première partie. Une batterie, une guitare et un micro sur scène titillent notre curiosité. Les paris sont lancés : duo white-stripien ? One man band drum and slam ? Finalement, nous ne sommes pas tombés loin : Sheik Anorak, aka Frank Garcia, est en effet seul sur scène et va nous impressionner avec une performance épatante. Boucles de guitare entêtantes, drones ronflants et jeu de batterie survolté nous emmènent à la croisée des musiques no wave, noise et expérimentale. Sheik Anorak le proclame : noise is sexy ! Et il nous le prouve en se donnant à fond sur scène. Un artiste lyonnais fort sympathique à suivre de très près ! Une belle entrée en matière, à la hauteur du déferlement bruitiste qui va suivre.

10353510_922658631111083_7280193604113666712_oLa péniche s’est peu à peu remplie jusqu’à être totalement bondée, c’est le parcours du combattant pour se rendre de la loge au plateau ! Une fois installé, le groupe introduit le set avec un long instrumental hypnotisant constitué de nappes aux sonorités orientales. Puis Thurston et sa bande entament une succession de compos principalement issues du dernier album, qui côtoient également des morceaux plus anciens. L’équilibre est très bien dosé entre mélodies écrites et improvisation : musicalement plus apaisé, le fantôme de Sonic Youth plane pourtant toujours sur les compositions du guitariste, et cela se ressent particulièrement lors des longues impros noise qui s’immiscent au coeur de certains morceaux. Les deux guitaristes rivalisent d’effets et de techniques de jeu pour produire les sons les plus improbables. Un joli contraste se dessine alors entre la violence sonore et l’amour que le guitariste éprouve pour son instrument, Thurston Moore s’évertuant à faire hurler des larsens en câlinant littéralement son ampli ! Du côté de la section rythmique, le jeu subtil de Deb Googe va et vient entre puissance et retenue, quant à la présence Steve Shelley, c’est un vrai régal : il est non seulement un excellent batteur, mais on discerne chez lui un plaisir sincère à jouer sur scène qui se transmet instantanément au public.

L’ambiance est bon enfant ce soir, pas d’accrochage parmi les spectateurs, qui sont pourtant nombreux. Les musiciens eux-mêmes semblent parfaitement détendus et à leur aise. Alors que le road du groupe et le régisseur de la salle s’agitent suite à un cassage de corde, galérant inutilement à sortir une guitare de spare de sous le plateau, James Sedwards, impassible, prend tranquillement le temps de réparer les dégâts alors que le frontman, très amical, papote avec le public : « Alors comme ça, aujourd’hui c’est un jour férié en France ? Et sinon, il y a des anniversaires ce soir dans la salle ? Comment dit-on « we love you Deb Googe » en français ? Il y a comme une forte odeur d’eau de Cologne devant la scène, ça me rend un peu stone… » Steve Shelley est même contraint d’intervenir pour reprendre le concert ! Tout le spectacle se déroulera dans cette ambiance plaisante, et un peu rock’n’roll quand même : un moment, Thurston Moore menacera (pour rire !) de ne pas reprendre le show tant qu’on ne lui aura pas servi un verre de vin… qu’il renversera accidentellement après deux gorgées !

En bref, une soirée très agréable et un excellent concert pour commencer ce festival dans la joie et la bonne humeur.

Day #3 : Agent Side Grinder

10959915_886131998097080_5091124795202663746_oDepuis quelques temps, le revival 80’s bat son plein, à tel point que même les groupes les plus récents semblent tout droit sortis de cette décennie. Les suédois d’Agent Side Grinder surfent sur cette vague depuis 2005, et n’ont vraiment rien à envier à leurs prédécesseurs. Leur dernier opus Alkimia, sorti cette année, en est la preuve : malgré le virage plus pop emprunté par le quintette, cet album n’en brille pas moins par ses compositions de plus en plus travaillées et abouties.

Sur la scène du Sonic, je découvre ce soir-là un groupe des plus convaincants, tant du point de vue musical que scénique. Surplombés par leur logo lumineux ASG, les cinq musiciens entrent en piste : quatre synthés et autres machines dispatchés aux quatre coins du plateau et un chanteur en avant scène. Dès le début du show, un véritable retour dans les années 80 s’opère par l’atmosphère romantique froide et sous tension imposée par la musique. Les artistes nous livrent un set mêlant post-punk, synth-pop et indus, combinant anciens et nouveaux morceaux. L’influence de groupes tels que Joy Division/New Order, Depeche Mode ou Suicide est palpable, mais en alchimistes de talent, les membres du groupe parviennent à créer une identité musicale qui leur est propre. Les claviers sont omniprésents et chaque musicien y va de sa pâte, de ses effets, laissant parfois de côté touches et potards pour se saisir d’une basse, parfois même d’une guitare, ou battre le rythme sur d’étonnantes percussions faites maison. Au milieu de cette symphonie synthétique, s’élève un chant incroyablement puissant. Tel un magicien psalmodiant des incantations, le frontman impressionne par sa voix rauque et son charisme. Son timbre particulier (rappelant tour à tour celui de Peter Murphy ou de Dave Gahan) s’associe à des danses saccadées intenses qui donnent irrésistiblement envie d’être imitées. Moins concluantes, les quelques ballades sonnent un peu trop kitsch et caricaturales, le chanteur se serait pointé sur scène avec cape de vampire et gestuelle bela-lugosienne que ça n’aurait étonné personne ! Le groupe excelle vraiment dans les morceaux au tempo plus rapide, ce qui, pour mon plus grand bonheur, semble constituer l’essentiel de leur répertoire.

« C’est la troisième fois que nous venons à Lyon, et la seule chose que nous connaissons de cette ville, c’est ce bateau ! » Espérons que cette troisième ne sera pas la dernière, c’est avec grand plaisir que je verrais à nouveau Agent Side Grinder fouler les planches du Sonic, car maintenant que j’ai vu et entendu de quoi était capable ce groupe sur scène, je vais guetter leurs prochaines dates de tournée.

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