T’as oublié tes champis ? Pas grave, les mecs qui s’apprêtent à fouler les planches de L’Epicerie Moderne promettent de balancer du lourd. Suffit de jeter un œil alentour, la foule est constituée d’autant de tee-shirts psyché-rock en tous genres arborés fièrement par toutes les générations qui se sont données rendez-vous ici ce soir. « Black Rebel Motorcycle Club », « Brian Jonestown Massacre », « The Doors », « The Beatles », « Winter Is Coming » (oui, je sais… aucun rapport ! Mais c’était rigolo…!) Bref, attention les oreilles : concert hallucinogène en perspective !
On attaque avec les Canadiens d’Elephant Stone. Un nom qui laisse à penser qu’un groupe de stoner pachydermique est sur le point de débouler sur scène à grand bruit. Mais en fait, pas du tout. A la croisée des 60’s, des 70’s et des 80’s, les musiciens qui s’articulent autour de leur leader Rishi Dhir parviennent à mêler judicieusement diverses influences sans jamais tomber dans les clichés garage rock, classic rock ou synthpop. Une batterie très new wave et un groove de basse rond et costaud made in Rickenbacker structurent les morceaux sur lesquels se baladent une guitare tantôt indianisante / tantôt saturée et un synthé frisant le Farfisa, tandis que s’élève la voix limpide et fragile du chanteur. Chanteur qui, pour le plus grand plaisir de tous, s’empare par moment d’un sitar pour se lancer dans de délicieuses impros orientales, alors que le claviériste vient le relayer à la basse. C’est surprenant, ça donne la patate. C’est comme si Ravi Shankar, les Who et les Cure tapaient le bœuf ! Mais sans jamais sonner fourre-tout. Très bonne surprise, donc, que cette première partie, qui quittera le plateau dans un bourdonnement de ring modulator pour laisser place à la tête d’affiche.
Qui dit qu’il n’y a que des cowboys et des métalleux au Texas ? Voilà The Black Angels qui rappliquent au beau milieu d’astres rayonnants et nous font d’emblée décoller pour une virée interstellaire. Manque plus que Miss Stacia pour se croire dans un concert d’Hawkwind ! Car à l’instar de la troupe fêlée de Dave Brock, le groupe s’adonne à un psychédélisme toujours péchu : on plane totalement, mais tout en tapant du pied et en remuant les cheveux. On devine aussi par moment des petites touches de décadence du Velvet, de noirceur des Doors, de glam de Bowie, de noise de The Jesus And Mary Chain ou encore de sauvagerie des White Stripes, mais le tout allié intelligemment, de sorte que le son du groupe reste unique et original. La batteuse au jeu ScottAshetonien martèle des rythmiques métronomiques primitives tandis que ses compères distillent des sonorités garage rock à la fois rentre-dedans et psyché à souhait. Les longues planeries transcendantes côtoient un rock’n’roll pur jus et donnent irrésistiblement envie de laisser son esprit divaguer au fil des géométries hypnotiques projetées de part et d’autre de la scène. La voix singulière du chanteur croule sous la réverb’, mais sans que ce ne soit pour autant gênant (pour une fois) car elle contribue pour le coup à nous emporter plus loin encore. The Black Angels ont visiblement trouvé la recette du trip lysergique sans consommation de drogue aucune. Et après nous en avoir flanqué plein les oreilles et les mirettes, le groupe s’en retourne comme il est venu : sans un mot… et sans rappel. La grande classe !