RUY BLAS de Victor Hugo

Mis en scène par Christian Schiaretti au TNP (Villeurbanne) du 12.11.11 au 11.12.11

 

L’histoire :

Exilé d’Espagne par la Reine pour affaire de mœurs, le grand politicien Don Salluste utilise son laquais Ruy Blas pour se venger de cette humiliation. Sans connaître les aspirations de son maître, Ruy Blas doit se faire passer pour Don César de Bazan et séduire la Reine, Don Salluste espérant ainsi la compromettre. Cependant, Ruy Blas va se laisser prendre au jeu : non seulement il tombe éperdument amoureux de la Reine, mais il profite également de sa fausse identité pour s’engager dans la vie politique espagnole et lutter contre la corruption qui ronge peu à peu le système du pays.

 

Analyse du spectacle :

« Créer tout un théâtre, un théâtre vaste et simple, un et varié, national par l’histoire, populaire par la vérité, humain, naturel, universel, par la passion. »

Ainsi s’exprime Victor Hugo dans la préface de Manon Delorme en 1830. Difficile de faire abstraction à cela lorsque l’on se rend au Théâtre National Populaire en 2011 pour une représentation de Ruy Blas. Après trois ans de travaux de rénovations, Christian Schiaretti ouvre en grand les portes du « nouveau » TNP, et ce n’est pas un hasard si cette pièce fait l’objet de son choix pour un premier spectacle. Non seulement parce que Firmin Gémier en fait également sa pièce d’ouverture lors de la toute première inauguration du TNP au Trocadéro en 1920, mais aussi parce qu’Hugo incarne cette idée même de théâtre populaire. Avec son drame romantique Ruy Blas, l’auteur nourrit le désir de réunir dans un même théâtre et face à une même histoire les différentes classes sociales de la France du XIXe siècle. Aujourd’hui, Schiaretti aspire aux mêmes ambitions pour son théâtre, et mettre en scène pour tous cette pièce devenue un classique est un choix judicieux pour étrenner le nouveau TNP.
 
Pour interpréter cette pièce, les comédiens sont vêtus de costumes d’époque, de maquillage et de perruques relatant le lieu et la période historique de l’action : l’Espagne de la fin du XVIIe siècle. Ces vêtements élaborés nous permettent aussitôt de situer le contexte et de nous plonger dans l’intrigue. Au passage, le fait d’avoir rencontré les comédiens au naturel après leur prestation n’a fait que renforcer l’effet de magie que peuvent produire des costumes et artifices appropriés sur une scène. Concernant le jeu des acteurs, j’ai particulièrement été impressionnée par la performance de Jérôme Kircher dans le rôle de Don César : son expressivité, sa gestuelle, sa diction rendent le personnage sympathique et drôle aux yeux du public, et permettent quelques passages comiques au sein d’une histoire plutôt tragique. Mention spéciale également à Nicolas Gonzales (Ruy Blas) et Juliette Rizoux (la Reine), dont le jeu très expressif semble parfois même très physique, lors de la déclamation de leurs monologues notamment. Ces personnages, quant à eux, tendent à renforcer l’aspect tragique de la pièce. Finalement, le spectacle en lui-même repose essentiellement sur les comédiens, leur jeu, leurs mouvements, créant ainsi une proximité particulière avec les spectateurs.
 
La scénographie et la lumière, elles, associées à la performance des acteurs, répondent particulièrement à la notion d’espace vide telle que la conçoit Peter Brooke : une scénographie épurée permettant au spectacle de reposer essentiellement sur le jeu des comédiens et leurs mouvements corporels intuitifs. Lorsque le rideau s’ouvre, nous découvrons un plateau carrelé des murs au sol par des pavés carrés dans les tons jaunes et bleus, représentant pour la plupart natures mortes ou arabesques hispanisantes. Peu d’éléments de décor sont présents sur scène : en tout et pour tout, une table et une chaise situées à jardin. Mais au fil du spectacle, une machinerie ingénieuse nous dévoile d’autres lieux : des portes et des fenêtres s’ouvrent, des pans de murs reculent, des frises apparaissent, révélant une nouvelle pièce ou un nouveau lieu d’action. Ce décor qui paraissait presque trop simple et dépouillé à l’ouverture s’avère en réalité surprenant et presque magique. En complément, la lumière contribue essentiellement à matérialiser les différents espaces et moments de l’action. Il s’agit en effet d’une lumière réaliste recréant à la perfection chaque instant de la journée ou les diverses atmosphères des lieux où se déroulent la pièce. Elle provient la plupart du temps d’une fenêtre ou d’une porte qui s’entrouvre, comme cela se passerait dans la réalité. Le fait, d’ailleurs, que les projecteurs ne soient pas à vue, renforce cette impression de réel et implique d’autant plus le public dans l’histoire.
 
Ainsi, une lumière réaliste sur un décor simple et peu fourni associée à jeu d’acteurs très expressif et en mouvement répondent bien à cette notion d’espace vide : les spectateurs se sentent proches des comédiens, s’attachent à certains personnages et s’engagent dans l’intrigue. Cette implication peut cependant se jouer à différents niveaux selon les personnes : certains accorderont plus d’importance à la portée politique du texte, d’autres se sentiront plus touchés par l’histoire d’amour entre la Reine et Ruy Blas. Au final, chacun y trouve son compte, et Hugo comme Schiaretti remplissent leur mission : offrir un spectacle pour tous.

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