Dépitée du concert des Melvins la veille, c’est avec d’autant plus d’impatience que j’attends la venue à Lyon de la papesse de la no-wave. Pour la troisième fois, Lydia Lunch investit la scène du Sonic, et cette fois-ci, je ne veux rater ça sous aucun prétexte ! Quel meilleur lieu, de plus, pour accueillir cette artiste qui a tout vécu ? Ce n’est sans doute pas par hasard si l’icône underground établit depuis un moment ses quartiers sur cette péniche isolée dans les bas-fonds de Perrache, dont la scène au rideau de velours rouge et aux projecteurs bleus rappellent étrangement l’atmosphère troublante de Blue Velvet de David Lynch : tout en ce lieu respire la glauquitude, même le Jack Daniel’s a le goût de vase.
Très bonne surprise en première partie, avec le power trio lyonnais Rank qui nous offre un set new wave ma foi fort sympathique, m’évoquant le groupe New Order sur certains morceaux. Affaire à suivre !
Puis, entrée sur scène du groupe Big Sexy Noise et de Madame Lunch qui, armée de son sac à main, donne l’impression qu’à tout instant du spectacle, elle s’apprête à sortir son miroir de poche pour se remaquiller. Et c’est sans aucun effort (cette fois-ci) que je me laisse de suite emporter par les riffs noisy et rentre-dedans du guitariste, qui donnent sérieusement envie de remuer les cheveux (ou ce qu’il en reste !), accompagnés par les délires free à la Fun House du saxo et par la rythmique toujours carrée du batteur. Au milieu de ce joyeux boucan, la voix éraillée et reconnaissable entre toutes de Lydia Lunch oscille entre chant et spoken word. La taille de la salle joue beaucoup dans la proximité entre les artistes et leur public, mais comme si cela ne suffisait pas, la chanteuse soutient du regard avec insistance chaque spectateur, tour à tour. Et autant dire qu’il ne fait pas bon être de la gente masculine ce soir-là : l’artiste ne se contente pas de regards assassins, mais acène aux hommes quantités de vannes féministes. Elle n’hésite pas non plus à pousser violemment de la scène un admirateur acharné qui tente désespérément de l’embrasser en plein morceau (ce qui, pour le coup, est mérité… ce ne sont franchement pas des manières de la part d’un minot envers une dame du double de son âge…) Pas féministe pour deux sous, je n’ai en revanche que très moyennement apprécié ce mépris affiché pour les hommes (mes pauvres amis ont carrément eu l’impression de se faire émasculer en live), même si le passé très sombre de l’artiste peut justifier un tel comportement. C’est cependant le seul reproche que je ferai concernant ce spectacle, qui m’a convaincu par tous ses autres aspects et m’a redonné confiance après l’expérience décevante de la veille.