THE LEVELLERS, Levelling the Land

 

 

 

 

 

THE LEVELLERS
Levelling The Land
1992
Royaume-Uni
Celtic punk

01. One Way
02. The Game
03. The Boatman
04. Liberty Song
05. Far From Home
06. Sell Out
07. Another Man’s Cause
08. The Road
09. The Riverflow
10. Battle Of The Beanfield
11. Fifteen Years

Salut à tous ! Je vous emmène faire un p’tit tour en l’an 1992, époque légendaire, où l’on pouvait remuer ses cheveux cradingues au rythme désespéré de « Smells Like Teen Spirit », l’éclate totale ! Une époque de renouveau adolescent, où l’on pouvait se balader, sans complexes, en complet « jean troué/chemise de bûcheron » et emmerder une fois de plus les parents et l’ordre établi. Facile, non ? Le grunge venait de faire son triomphe, en partant des bas-fonds de Seattle (USA) de la fin des années 80 pour mieux s’étendre dans le reste du monde. MTV venait de lâcher sur les ondes une bombe, j’ai nommé : Nevermind. Ce deuxième album de Nirvana apporta, non pas un renouveau musical réel (car d’autres groupes pratiquaient cela bien avant eux), mais un espoir créatif pour les jeunes de cette époque. D’autre part, cette vague, par le biais du leader charismatique de Nirvana (Kurt Cobain) et de sa fin tragique en 1994, permit au rock de se réconcilier avec la bonne vieille époque des martyrs qui vivent vite et meurent jeunes (Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison…). A cette même époque, en Angleterre, les Levellers, sortaient eux aussi leur deuxième album studio, Levelling The Land. Ouais, pas très convaincant tout ça…

Commençons par le commencement : les origines.

En Angleterre, parmis les innombrables tribus qui poussèrent sur le terreau punk au début des années 80, il y eut, ce que l’on appelle les « Crusties » (qui signifie « Cradingues »). Ces nouveaux hippies, nommés aussi « Travellers » à cause de leur goût pour la vie nomade, vivent en communautés, le plus souvent dans des camions équipés façon système D. Ces marginaux, un peu bohèmes sur les bords et précurseurs des actuels « Teuffeurs », ont en commun un goût prononcé pour l’écologie (« l’anarchisme vert »), les causes humanistes, le retour au mode de vie traditionnel et un profond mépris pour la société de consommation. Comme tout bon mouvement qui se respecte, les Crusties ont leurs groupes cultes, qu’ils appuient fidèlement au cours de leurs multiples tournées. En 1980, à Bradford (Yorkshire), Justin Sullivan forme le groupe New Model Army (nom donné à l’armée révolutionnaire de Cromwell pendant la guerre civile anglaise), qui devint vite la figure de proue du mouvement. Ce groupe punk folk aux idéaux radicaux et traditionalistes (retour passager à la mode des sabots…), mélant son idéal humaniste d’extrême gauche à un patriotisme parfois controversé, défend avec conviction les causes perdues et les déshérités : NMA est anti-drogues, anti-Américain, écolo, et prône l’égalité sociale. Un peu puritain dans le genre, mais efficace et sincère.

Les Levellers, formés dans un pub de Brighton en 1988 sont, d’un point de vue idéologique et musical, les descendants directs de NMA. Leur nom, comme celui de leurs aînés, a été puisé, lui aussi, dans le répertoire tourmenté de la guerre civile anglaise (1642-1648). The Levellers (« les Niveleurs »), était en effet, le nom d’un parti politique révolutionnaire de l’époque, qui souhaitait, en quelque sorte, reniveler la société pour la rendre plus juste et égalitaire, en faisant tomber les classes. Le groupe fait, d’ailleurs, souvent référence à John Lilburne (« Freeborn John »), un personnage historique libertaire et membre du Levellers Party, à l’origine du manifeste Agreement of the People pour une réforme constitutionnelle de l’Angleterre. Ce manifeste, prônait, entre autres, la liberté de la presse, la liberté de culte, mais surtout l’égalité de tous devant la loi. Voilà pour la parenthèse historique. Ces artistes saltimbanques et peu médiatisés, tournent maintenant depuis presque 20 ans sur les circuits alternatifs, liant musique et engagements politiques (lutte pour la défense des rave parties, soutien aux réfugiés kosovards, lutte contre le racisme…). Ils ont créé leur propre festival : Beautiful Days, et soutiennent activement la scène locale de Brighton. Des gars bien !

L’album Levelling The Land nous plonge, dès la première écoute, dans l’état d’esprit de ce groupe : un punk rock soft et efficace, mâtiné de folk celtique, avec des voix un peu « teenager nasillardes » par moment, qui nous apportent une bonne bouffée d’air frais. On passe d’hymnes enjoués (« One Way », « The Riverflow ») et très pop (« Sell Out » et « Fifteen Years »), à des trames folk des plus tranquilles (« The Boatman », « Far From Home » et « The Road »), à des titres plus écorchés (le très protest song « Another Man’s Cause »). Certains morceaux sont carrément punk, dans le genre Clash folk (« Liberty Song », « The Game »), ou incitent à la révolte (le très rageur « Battle Of The Beanfield »). On pourrait qualifier cette musique, comme le disait un ami, de « griste » (compression néologique de « gaie » et « triste »). Dans cet album, l’insouciance d’ados utopistes et naïfs, unis pour un monde meilleur, croise sans cesse la mélancolie irrémédiable du monde réel, sans s’y noyer pour autant. Les mélodies sont efficaces, la musique, assez rudimentaire à la base, est sans cesse boostée par un violon qui nous pousse dans une gigue rock endiablée. Y’a qu’à se laisser porter… Au niveau des paroles, on nage entre sympathiques hymnes de ralliement : « There’s only one way of life/That’s your own » (« Il n’ya qu’une façon de vivre/C’est la tienne », dans « One Way »), à des thèmes plus sérieux et éloquents. La chanson « Another Man’s Cause » (ils se foulent pas trop pour les titres !) traite, d’une façon qui prend aux tripes, de la guerre, du sacrifice de la jeunesse, de générations en générations, de conflits en conflits (évocation des Falklands). Ce titre se situe à mi-chemin entre Dylan et Neil Young. C’est le genre de chanson intemporelle (thème maintes fois abordé) et toujours efficace, quel que soit le contexte. Mais le morceau le plus parlant de cet album reste « Battle Of The Beanfield ». Ce morceau traite de la 14e édition du Stonehenge Free Festival, tenu en 1985. Ce rassemblement formé par le Peace Convoy, dont faisaient partis les membres du groupe, fut violemment réprimé par la police. Ces événements furent, en outre, à l’origine des lois contre le regroupement des personnes dans les rave parties (mesures contenues dans le Criminal Justice Act) et autres rassemblements libres en Angleterre.

Voilà pour l’histoire de cet album sans prétentions (qui fut quand même au Top 40 anglais de l’époque) et de ce groupe d’électrons libres, qui a passé le plus clair de son temps en tournées diverses.

C’est un groupe assez méconnu du grand public, qui a su forger sa réputation sur la route, dans le sillage des circuits alternatifs. Ils sont aussi, de part leurs engagements et mode de vie, des précurseurs de l’altermondialisme actuel. Je vous conseille, pour vous faire une idée, d’aller jeter un oeil à leurs prestations live, sur YouTube, c’est assez impressionnant. Vous devriez, si vous avez apprécié ce disque, écouter leur premier album, A Weapon Called The World (plus folk et plus râpeux que Levelling The Land) et le très hétéroclite Mouth To Mouth, qui contient quelques perles comme « Beautiful Days », « Elation », « Captains’ Courageous ». Enfin, pour clore en beauté le chapitre sur le mouvement « Traveller/Punk folk », je vous conseille d’écouter l’incontournable live Raw Melody Men (trouvez l’anagramme) de New Model Army (1991). C’est un peu le même délire, en plus sombre, une prestation live très intense.

Assiscles, Villeurbanne, le 24/09/07

Bibliographie

Les 69 tribus du rock, de Marc Alexandre Millanvoye et Tania Bruna-Rosso (Scali).
Dictionnaire du rock, sous la direction de Michka Assayas (Bouquins).

Liens internet

www.xsilence.net
www.levellers.co.uk

One thought on “THE LEVELLERS, Levelling the Land

  1. Merci d’avoir chroniqué cet album François, ça m’a permis de découvrir ce groupe très sympathique. J’ai écouté quelques chansons de l’album. J’ai particulièrement aimé « Another Man’s Cause », une ballade imparable, et bien sûr « Battle Of The Beanfield », une vraie merveille, très entraînante.

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