SPIN – Robert Charles Wilson

Prix Hugo 2006 : Spin.  

Dans un futur proche ; un futur très proche. Certainement un futur d’un horizon de 5 ans maximum. Par une nuit froide d’automne, 3 enfants jouent sur la pelouse d’une maison d’un couple aisé. Le mari est un cerveau de l’aérospatiale ; la femme, un ancien docteur retiré du circuit professionnel pour se noyer dans la boisson.

La nuit est glaciale, mais cela n’empêche pas Jason, Diane (les deux enfants du susdit couple) et Tyler (le fils de la femme de ménage) de rester dehors : Jason, véritable surdoué, insiste pour leur montrer les étoiles par sa lunette astronomique. À quelques mètres d’eux, au chaud dans la maison : une soirée mondaine. Puis les étoiles disparurent.

Que s’est-il passé ?

Elle a serré sa parka sur ses épaules en frissonnant. Pas à cause de la température, juste parce qu’elle était arrivée à la question fondamentale :  « Combien de temps, Jason ? Combien de temps passe dehors ? »

Dehors, derrière le ciel vide.

Jason a hésité, manifestement peu disposé à lui répondre.

« Beaucoup, a-t-il admis.

– Dis nous, a insisté Diane d’une voix éteinte.

– Eh bien… Il y a toutes sortes de mesures. Mais au dernier lancement, ils ont fait rebondir un signal de calibration à la surface de la lune. La lune s’éloigne un peu plus de la Terre tous les ans vous le saviez ?  Très peu, mais c’est mesurable. En mesurant la distance, on obtient une espèce de calendrier grossier, de plus en plus précis au fur et à mesure que le temps passe. Si on ajoute cela aux autres données significatives comme le mouvement des étoiles proches…

– Combien de temps, Jason ?

– Il s’est passé cinq ans et deux mois depuis l’Evènement d’Octobre. A l’extérieur de la barrière, cela correspond à un peu plus de cinq cent millions d’années. »

Un nombre à vous couper le souffle.

Je n’ai rien trouvé à dire. Pas un mot. Cela m’a laissé sans voix. Et sans pensées.

A ce moment là, il n’y avait pas le moindre bruit, rien que le vide acerbe de la nuit.

Là débute l’intrigue.

A ce rythme, le soleil deviendra une naine brune  en 50 ans et l’humanité sera réduite à néant. Cinquante c’est encore loin et la panique ne prend que de manière insidieuse accroissement des mouvements religieux, de la criminalité… La société se maintient malgré tout et une solution ingénieuse voie le jour. S’il n’est pas possible de briser l’obstacle, il faut le contourner. Le décalage temporel devient un avantage dès qu’il s’agit de terra former Mars puis de la coloniser pour que l’humanité puisse continuer son existence ailleurs. Une humanité non soumise au Spin pourrait alors trouver une solution au cours des millions d’années s’écoulant pour sauver les terriens… Un faible espoir auquel s’accrocher.

Le Spin est une surprenante énigme qui permet à l’auteur de développer un champ étendu d’idées qui touchent à une incroyable variété de thèmes, sujets chers à la science fiction. Pour répondre aux multiples interrogations et défis engendrés par le Spin, Robert Charles Wilson aborde effectivement l’isolation de la terre, la terraformation de mars, l’existence de formes de vie extra terrestre de différentes sortes et les situations de contact, les exo planètes, l’allongement de la durée de la vie humaine, les voyages interstellaires, la création d’organismes biologiques originaux par le génie génétique etc.

La capacité de l’auteur à intégrer tous ces thèmes dans son histoire, autour du Spin et le développement poussé de ces idées suscite une certaine admiration.

Les lecteurs apprécieront l’aspect purement terrestre et humain relatif au Spin. C’est selon moi une des vraies forces de ce livre. Là où Robert Charles Wilson est brillant, c’est lorsqu’il saisit et développe les implications induites par le Spin en matière d’économie, de politique, de religion. Inutile de s’attendre à d’interminables pages de chaos, le livre est plus subtil que cela. Il s’agit ici de comprendre comment certaines industries vont émerger au détriment d’autres en raison du défi qui consiste à sauver l’espèce humaine et à survivre dans un monde sans satellites, de voir le fanatisme et le sentiment religieux devenir incandescents et d’inquiétantes portes de salut pour les masses confrontées à l’Extinction, tout comme le nihilisme, d’appréhender les enjeux de pouvoir à différentes échelles etc. La question démographique et celle des ressources de la planète, nichée au cœur de l’énigme du Spin, est cruciale à l’heure des interrogations écologiques.

Comme à son habitude, Robert Charles Wilson fait de ces problématiques et de la SF, un contexte difficile pour faire évoluer des personnages riches et denses. Dans Spin, les méandres de la famille Lawton sont fouillés. Jason est le fils prodige d’E.D Lawton un industriel pour qui le Spin est une aubaine. Ce pur génie est intégré aux recherches sur le Spin quand sa jumelle Diane rejoint le rang des convertis aux religions. Famille écartelée, déchirée, avec ses secrets enfouis, ses drames. E.D est un tyran obnubilé par la réussite et déterminé à façonner son fils, alors que la mère, Carol, est une alcoolique, que Diane se révolte comme elle peut, délaissée. Et au milieu de tout ça Tyler Dupree, fils de la gouvernante, ancienne épouse d’un ami-associé d’E.D, qui vit une relation étrange avec cette famille.

Pour ceux qui veulent aller plus loin avec Robert Charles Wilson, un lien vers une interview fleuve sur son oeuvre:

http://blog.belial.fr/post/2009/09/11/L-homme-qui-apprenait-lentement-un-entretien-avec-Robert-Charles-Wilson

Extrait

« Des gens plus jeunes que moi m’ont demandé : Pourquoi n’as-tu pas paniqué ? Pourquoi personne n’a-t-il paniqué ? Il n’y a pas eu d’émeutes, de pillages ? Pourquoi votre génération a-t-elle laissé faire, pourquoi vous êtes-vous tous laissés entrer dans le Spin sans même un murmure de protestation ?

Il m’arrive de répondre : Mais il s’est passé des choses terribles.

Il m’arrive aussi de répondre : Mais nous ne comprenions pas. Et qu’aurions-nous pu y faire ?

Il m’arrive aussi de répondre par la parabole de la grenouille. Lâchez une grenouille dans de l’eau bouillante, elle en sortira aussitôt d’un bond. Placez-la dans une casserole d’eau tiède que vous mettez à chauffer à feu doux, et la grenouille mourra avant de se rendre compte du problème.« 

Merci au cafard cosmique et autres, ils se reconnaitront.

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